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« Quand vous avez un goitre qui perdure, il faut forcement opérer. Il n’y a pas de médicament qui puisse le faire régresser », Dr  Koumalou Emmanuel BAKYONO, médecin ORL 

 

Un cou qui augmente de volume au point de former une grosse masse ; un cou sur lequel on  a fait des scarifications pensant pouvoir réduire sa taille ;  une dame qui porte un foulard au cou pour cacher ce problème esthétique etc. Bref, cette augmentation de volume chronique de la glande de la thyroïde appelée goitre, ne  peut se résoudre qu’au moyen  d’une intervention chirurgicale.  Le goitre en Oto-Rhino-Laryngologie (ORL), voici le nécessaire avec Dr  Koumalou Emmanuel BAKYONO, médecin ORL au CHU Yalgado OUEDRAOGO.  

 

Presse et Communication du CNOMBF: le goitre, qu’est-ce que c’est?

 

Dr Koumalou Emmanuel BAKYONO : en termes simples, le goitre est une augmentation de volume de la glande thyroïde. La glande thyroïde est située au niveau de la face antérieure du cou. Elle sécrète des hormones utiles pour le fonctionnement de l’organisme.  Elle comprend trois parties : deux lobes, gauche et droit, reliés par un isthme. L’augmentation de volume peut concerner toute la glande ou une partie de celle-ci.

Quelle est l’origine du  goitre ?

Les causes sont multiples.  La carence en iode est l’élément principal dans notre contexte.  On a aussi des causes auto immunes c’est-à-dire liées à nos propres anticorps comme dans la maladie de Basedow, des causes médicamenteuses avec les médicaments contenant du lithium, des causes virales et des causes tumorales malignes rares. Il y a aussi une composante hormonale au cours de la grossesse.

Quels sont les types de goitres qu’on rencontre ?

On en a deux types principaux : les goitres diffus, c’est-à-dire que toute la glande augmente de volume de façon homogène et les goitres nodulaires, c’est-à-dire qu’on a un ou plusieurs nodules à l’intérieur de la thyroïde qui va/vont augmenter progressivement de volume et finir par prendre toute la glande.

Pourquoi certaines personnes n’ont pas le goitre ?

Il faut dire qu’en matière de pathologies, il y a des facteurs individuels. Nous vivons dans une zone carencée en général, mais il y a la susceptibilité individuelle. Certains vont réagir beaucoup plus à cette carence et d’autres beaucoup moins.  Il y a aussi l’itinéraire. On peut vivre ensemble, mais il se trouve que l’un bouge, consomme des aliments qui contiennent de l’iode et l’autre non. Il y a aussi les habitudes alimentaires en général car certains aliments empêchent l’utilisation de l’iode (choux, manioc, soja, sorgho). Il y a aussi la zone d’habitation, les zones montagneuses étant plus à risque. Il y a enfin des facteurs génétiques intervenant.

Comment savoir si on a un goitre ?

De façon fortuite en se regardant devant la glace ou à partir de l’observation faite par d’autres. On peut le découvrir au cours d’une complication mécanique ou métabolique. Au plan mécanique, on peut avoir une difficulté pour avaler, une modification de la voix, des difficultés respiratoires. Au plan métabolique, sa découverte peut être en rapport avec une sécrétion en trop ou en moins des hormones thyroïdiennes. Il peut enfin être découvert au cours d’un bilan de santé ou au cours d’une consultation pour un autre problème de santé, le médecin en vous examinant découvre un goitre. 

La thyroïde se dérègle, expliquez-nous

La thyroïde sécrète des hormones qui sont utiles pour le fonctionnement de l’organisme. Lorsqu’elle les secrète en trop, elle est déréglée. La sécrétion en excès peut donner une augmentation de l’appétit avec amaigrissement, des signes cardiovasculaires (palpitations), des troubles du comportement (nervosité) et du sommeil (insomnies), une saillie des yeux. Si la glande sécrète en moins aussi c’est un problème.  Cette personne est apathique, manque d’appétit et prend paradoxalement du poids, elle est dépressive. Devant ces signes, le médecin dans le cadre d’un bilan justement peut découvrir que la thyroïde est impliquée.

La particularité chez la femme ?

Les femmes ont plus fréquemment le goitre que les hommes.  On est à peu près à 10 % de goitre chez l’homme contre  90% chez la femme, parce que c’est aussi hormonal chez la femme. Au cours de la grossesse nous avons une action directe des hormones sexuelles sur la glande mais il y a également une augmentation physiologique des besoins responsable d’un goitre. Il régresse habituellement dans les six mois après l’accouchement mais il peut persister. 

Les complications d’un goitre ?

Les complications sont lentes à apparaître mais elles finissent par faire du bruit. Comme je l’ai dit plus haut, il y a les complications mécaniques et métaboliques. Les gens qui ont un très volumineux goitre ne peuvent pas dormir sur le dos car c’est un poids qui va comprimer les voies digestives et aériennes supérieures.  Ce sont des complications mécaniques. On a aussi les complications métaboliques, selon qu’on se retrouve dans une situation d’hyposécrétion ou d’hypersécrétion de la glande. Il y a également la cancérisation. Une modification brutale des caractéristiques d’un goitre ancien silencieux peut faire craindre une transformation maligne.

Comment se fait la prise en charge ?

La prise en charge médicale du goitre se fait par les endocrinologues ; nous, nous faisons la prise en charge chirurgicale. Il y a ceux dont leur goitre a été découvert à l’occasion d’une complication métabolique. L’endocrinologue les stabilise et après il nous les envoie pour la chirurgie. Quant à ceux qui nous sont référés directement par des structures périphériques, avant de les opérer, nous nous assurons que la glande n’a pas un hyperfonctionnement. Si tel est le cas, on les envoie chez l’endocrinologue qui va les équilibrer puis, ils nous reviennent pour la chirurgie. C’est une intervention assez classique bien codifiée. Quand vous avez un goitre qui perdure, il faut forcement opérer et faire examiner la pièce opératoire. Il n’y a pas de médicament qui puisse le faire régresser. Cette intervention s’appelle la thyroïdectomie. Elle peut être totale en enlevant toute la glande et faire une supplémentation hormonale, c’est à dire apporter des hormones thyroïdiennes pour suppléer au manque; ou bien si le goitre est développé au dépend d’un seul lobe, on fait une thyroïdectomie partielle.

C’est l’une des interventions les plus pratiquées dans notre service. Si toute la glande est enlevée, on ne peut plus avoir de goitre. Mais si on enlève un seul lobe, il peut arriver qu’un goitre se développe sur le lobe restant.

Quelles sont les complications liées à la chirurgie ?

Vous voulez effrayer vos lecteurs ? Rires. Il y a deux groupes de risques. Le risque anesthésiques  et le risque chirurgical. Ce sont des risques minimisés du fait d’une bonne préparation du patient et d’une bonne codification de l’acte opératoire. Pour un ORL, opérer un goitre, c’est avant tout préserver le nerf récurrent, c’est ce nerf qui nous permet de parler. On le recherche obligatoirement. Le second risque qui est commun à toute chirurgie, c’est le saignement. Le contrôle du saignement est un temps fort de l’intervention. En fin d’intervention on s’assure de l’absence de saignement avant de fermer la loge opératoire sur un drain pour surveiller tout saignement. Il y aussi les hypocalcémies transitoires ou définitives, baisse du calcium dans le sang si les parathyroïdes collées à la glande ne sont pas préservées. Après l’intervention, c’est la surveillance de la plaie opératoire, il n’y a pas de restrictions particulières pour le patient.

Prévention et conseils

Pour éviter le goitre c’est d’abord la prévention primaire : consommer le sel iodé à grande échelle, en ce qui concerne la prévention du  goitre endémique. On parle de goitre endémique lorsque plus de 10% de la population 6 à 12 ans est atteinte. On retrouve l’iode dans les fruits de mer.  La politique nationale a fait l’option du sel iodé et de la supplémentation des enfants en iode (lipiodol). La prévention secondaire, c’est la chirurgie. Il faut opérer le goitre, pour prévenir les complications possibles. Devant toute situation anormale, il faut consulter. Si vous voyez que votre cou est en train d’augmenter de volume, n’attendez pas qu’il soit hyper gros pour consulter.  Nous devons aussi  avoir le réflexe du bilan de santé au moins une fois l’année.

Presse et Communication du CNOMBF

Dr K. Emmanuel BAKYONO