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Dr Ibrahima OUEDRAOGO

Maladie génétique héréditaire touchant les globules rouges, la drépanocytose est un problème de santé publique à l'échelle mondiale et au Burkina Faso en particulier. Des enfants en majorité africains naissent avec le gène responsable de la drépanocytose et cette maladie cause malheureusement beaucoup de décès en l'absence de suivi. Plusieurs types de complications découlent de cette affection chronique, jouant ainsi sur la qualité de vie des personnes drépanocytaires.

Le monde entier a consacré le 19 juin pour célébrer la journée mondiale de la drépanocytose, pour informer et sensibiliser le grand public sur cette maladie en invitant au dépistage précoce.

La drépanocytose chez l'enfant, les complications, les formes et les conseils pour les parents, nous en parlons à l'occasion de cette commémoration avec Dr Ibrahima OUEDRAOGO, Pédiatre, Drépanocytologue au CHU Yalgado OUEDRAOGO.

 

Communication CNOMBF : Que représente la Journée Mondiale de la Drépanocytose pour un médecin pédiatre drépanocytologue comme vous ?

Dr Ibrahima OUEDRAOGO : Depuis 2009, la journée du 19 juin de chaque année est consacrée à la journée mondiale de la drépanocytose. C’est une journée très importante aussi bien pour le drépanocytologue que pour le drépanocytaire.

Au cours de cette journée, tout praticien en charge des drépanocytaires devrait faire une introspection, un bilan sur la prise en charge des patients, un bilan sur la sensibilisation et de la lutte contre cette maladie fréquente dans nos contrées d’Afrique subsaharienne.

C’est également une occasion pour nous drépanocytologues de montrer plus d’empathie et d’humanisme envers les drépanocytaires (« ubuntu » en bantou) et leurs parents lorsqu’on sait que la drépanocytose est une maladie chronique, stigmatisante, avec de multiples complications et parfois des décès, qui crève le budget familial surtout dans notre contexte où les soins sont entièrement à la charge des familles.  

Cette journée devrait permettre de nous mobiliser, de nous associer et de soutenir les parents et les associations de patients drépanocytaires. C’est aussi une opportunité de faire des plaidoyers auprès de l’Etat, des ONG ou des philanthropes pour accompagner d’avantage les patients drépanocytaires dans leurs besoins de soins.

Cette journée doit en plus s’inscrire dans l’intensification de la sensibilisation au sein des populations.

Peut-on dire que la drépanocytose est un problème de santé publique ?

Oui, la drépanocytose est un problème de santé publique dans le monde.

C’est la maladie génétique la plus fréquente dans le monde. En effet, 120 millions d’individus dans le monde sont porteurs du gène.

Chaque année, nous enregistrons environ 270 000 naissances, dont les deux tiers surviennent en Afrique.

Au Burkina Faso, la drépanocytose constitue également un problème de santé publique ou la prévalence atteint 4,63 % avec une incidence de 1,9 %. 

Nous voulons parler avec vous de la drépanocytose chez l’enfant, qu’est-ce la drépanocytose et quelle est sa particularité chez l’enfant ?

Définition

La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine (protéine contenue dans les globules rouge), de transmission autosomique récessive caractérisée par une mutation du 6ème codon de la chaîne β-globine (β6 Glu Val), responsable de la synthèse d’une hémoglobine anormale (HbS). Elle se manifeste par des accidents vaso-occlusifs (responsable des crises douloureuses), une anémie hémolytiques chroniques avec des situations d’aggravation et des infections à répétition.

Particularité de la drépanocytose chez l’enfant

Les manifestations de la drépanocytose comme dès lors que l’hémoglobine fœtale est remplacée par l’hémoglobine adulte (hémoglobine S).

Les complications les plus graves de la drépanocytose sont observés pendant l’enfance. Il s’agit de complications aigues qui sont responsables des multiples consultations, de fréquentes hospitalisations et même de décès. L’histoire naturelle de la drépanocytose se déroulerait comme suit :

  • Entre 0 à 3 voire mois : la maladie est asymptomatique,
  • 6 mois à 5 ans :
  • la maladie se révèle souvent par un syndrome pied-main (dactylite). Qui est un gonflement douloureux des doigts des mains et des pieds.
  • de récurrentes crises douloureuses drépanocytaires (maitres symptômes de la maladie) touchant les os longs, l’abdomen, les cotes...
  • des situation d’anémies sévères favorisées par les infections bactériennes, parasitaires ou virales,
  • des infections bactériennes sévères (septicémie, pneumopathies, ostéomyélites….)
  • 5 à 15 ans :
  • de fréquentes crises douloureuses vaso-oclusives
  • des accidents vaso-oclusifs graves comme les syndromes thoraciques aigus (STA),
  • une diminution des risques infectieux
  • Après 15 ans
  • une diminution des crises douloureuses vaso-oclusives
  • l’apparition des complications dégénératives (chroniques) pouvant toucher : l’œil, le cœur, les poumons, les os de la hanche, les reins, la peau de chevilles…)

L’enfant drépanocytose est-il comme les autres enfants?

En dehors du fait que l’enfant drépanocytaire a besoin de plus d’attention liée à sa maladie chronique, il a les mêmes besoins que les autres enfants notamment de soins, d’éducation, de s’épanouir, de se nourrir convenablement de se vêtir.

Quelles sont les formes de drépanocytose chez l’enfant ? Leur état de gravité ?

Il existe plusieurs formes de drépanocytose chez l’enfant :

  • les syndromes drépanocytaires majeurs qui ont des manifestations cliniques. Parmi lesquels on distingue :
  • la forme homozygotes SS et
  • les formes hétérozygotes composites (association de l’hémoglogine S à une autre anomalie de l’hémoglobine C, β thalassémie, Dpunjab , OArab , E) : SC, S β0thalassémie, S β+thalassémie, SDpunjab, SOArab , SE
  • le trait drépanocytaire : AS, qui est asymptomatique (sans manifestation clinique)

Les syndromes drépanocytaires majeurs (SDM) peuvent être classés selon leur degré de sévérité :

  • les SDM sévères : la forme homozygote SS et les formes hétérozygotes composites Sβ0thalassémie, SDpunjab et SOArab 
  • les SDM de sévérité intermédiaire à modérée : SC, Sβ+thalassémie, SE

Comment se fait le suivi de l’enfant drépanocytaire vue que la drépanocytose est incurable pour l’instant ?

Après la confirmation du diagnostic :

  • un suivi régulier des enfants atteints de syndrome drépanocytaire majeur est organisé par le pédiatre drépanocytologue avec les parents des enfants pour assurer la surveillance clinique, l’adhésion aux mesures thérapeutiques et préventives associées à l’éducation continue des enfants et des parents. Le délai de RDV de suivi est fonction de l’âge du patient, de la sévérité clinique ou de l’existence de complication ou de pathologie associée.

Les RDV peuvent être mensuels à trimestriels pour les nourrissons et jeunes enfants et trimestriels à semestriels pour les autres. Grâce à l’évolution dans la recherche, il existe actuellement des traitements curatifs de la drépanocytose réservés aux formes sévères, notamment la greffe de cellules souches hématopoïétiques à partir de la moelle osseuse ou du sang de cordon et la thérapie génique. Cependant, ces traitements ne sont pas financièrement à la portée de nos patients. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur le suivi régulier, le traitement classique et certains traitements optionnels des formes sévères disponibles (échanges transfusionnels, saignées, hydroxyurée…)

  • les enfants hétérozygotes AS ne nécessitent pas de prise en charge médicale spécifique. Cependant, la révélation du trait drépanocytaire peut avoir des conséquences pour la famille, si le statut des parents n’était pas antérieurement connu et s’ils envisagent d’avoir d’autres enfants. Un complément d’informations doit être proposé à la famille afin de déterminer le risque du couple d’avoir un enfant atteint de SDM.

Quelles sont les complications de la drépanocytose chez l’enfant ?

Chez l’enfant drépanocytaire, on distingue deux types de complications :

  • les complications aigues qui font toute la gravité de la maladie : elles sont responsables des multiples consultations, hospitalisations et peuvent conduire à des séquelles et le décès. Elles apparaissent après quelques mois de vie et sont fréquentent jusqu’à la première décade. Il s’agit :
  • les crises douloureuses qui caractérisent la maladie drépanocytaire
  • les accidents vaso-oclusifs graves : les accidents vasculaires cérébraux (AVC), le syndrome thoracique aigue, la séquestration aigue splénique, le priapisme aigue…
  • les situations d’aggravation de l’anémie (anémie sévère)
  • les infections à répétitions (bactériennes, parasitaire, virale)
  • les complications chroniques qui commencent autours de la première décade touchant les organes comme l’œil, le rein, la hanche…

Le dépistage des complications nécessite des examens biologiques ou morphologiques réguliers.

La prévention des complications repose sur la prise régulière de médicament pour prévenir l’anémie (acide folique) et les infections (vaccins, péniv, antipaludique, déparasitant…).

Quelles sont les conseils aux parents pour une vie saine de l’enfant drépanocytaire ?

Pour que le drépanocytaire arrive à améliorer sa qualité de vie, voici quelques conseils destinés aux enfants drépanocytaires et à leurs parents :

  1. Boire beaucoup d’eau et régulièrement tout au long de la journée, au minimum 2 à 3 litres d’eau par jour.
  2. Eviter les endroits mal aérés, de porter des vêtements trop serrés, de croiser les jambes pendant longtemps, les séjours en altitude de plus de 1500 mètres, les voyages en avion mal pressurisé et les voyages très long.
  3. Avoir une alimentation équilibrée. Eviter l’alcool, le tabac et les drogues.
  4. Bien se laver chaque jour et se brosser les dents après chaque repas, ne négliger aucune plaie même minime, surtout au niveau des pieds et des jambes.
  5. Se faire suivre régulièrement par son médecin, même si « tout va bien ».
  6. Prendre ses médicaments régulièrement.
  7. Tenir ses vaccinations à jour.
  8. Se protéger du froid, des courants d’air, de la chaleur excessive.
  9. Eviter les efforts physiques violents, le manque de sommeil, le stress.
  10. En cas de crise, se reposer au chaud et au calme, boire abondamment de l’eau et prendre des médicaments contre la douleur à dose adaptée. 
  11. Reconnaitre certains signes d’alertes (fièvre, pâleur inhabituelle, grosse rate, douleur intense, fatigue ou dyspnée…)
  12. Consulter immédiatement devant ces signes d’alerte.

Votre message à l’occasion de la journée mondiale de la drépanocytose

Je voudrais vous saluer pour cette démarche, cette tribune qui nous permet en tant que professionnel de santé cloitré dans les hôpitaux d’atteindre les populations et de les sensibiliser sur la drépanocytose.

La drépanocytose est la première maladie génétique dans le monde et touche surtout les pays subsahariens où nous manquons de programme de lutte contre la drépanocytose. Par conséquent, nous manquons de dépistage précoce (surtout néonatal) et de prise en charge précoce. 

Nos patients drépanocytaires comparativement à ceux des pays occidents payent un lourd tribut en ce qui concerne les décès précoces (plus de la moitié des enfants drépanocytaires mouraient avant leur cinquième anniversaire suite aux complications faute de suivi) et les séquelles.

Le premier message à l’occasion de cette journée mondiale de la drépanocytose est un hommage que je rends aux drépanocytaires et à leurs parents pour leur combat quotidien contre la maladie, aux associations des patients drépanocytaires et enfin aux professionnels de santé qui s’occupent de la santé des drépanocytaires.

Le second message est une invite :

  • A l’endroit des populations, des leaders religieux et communautaires

C’est de mettre le dépistage de la drépanocytose au cœur des préoccupations de santé. Encourager les futurs couples (mariages de tous types) au dépistage de la drépanocytose.

  • A l’endroit des patients, des parents drépanocytaires

C’est d’adhérer au suivi des patients. Le suivi améliore indéniablement la qualité de vie des drépanocytaires. Depuis quelques décennies « l’espoir est permis ». Le paradigme jadis « selon lequel la vie du drépanocytaire est courte » n’est plus d’actualité grâce au suivi régulier des patients drépanocytaires et la disponibilité de plus en plus de nouvelles options de traitement.

C’est de s’organiser en associations ou renforcer celles qui existent déjà pour mener des actions fortes, un lobbying dans la lutte contre la drépanocytose.

  • A l’endroit de nous personnel de santé

C’est de jouer notre partition en renforçant le dépistage, la sensibilisation et la prise en charge correcte des drépanocytaires.

  • A l’endroit du Ministre de la santé et de ses partenaires

Accompagner les formations sanitaires dans la formation du personnel, la prise en charge de la drépanocytose et l’acquisition de matériel de laboratoire pour le diagnostic.

Faciliter l’approvisionnement de certains médicaments destinés à la prise en charge de la drépanocytose (hydroxyurée, morphine, produits sanguins labiles).Eriger la lutte contre

a drépanocytose en un programme !

 

CNOMBF

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