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Pr Dieu-Donné

Pr Dieu-Donné OUEDRAOGO est le 1er Rhumatologue du Burkina Faso. Il est le Chef de Service de Rhumatologie du CHU de Bogodogo. Il mène ses études de médecine générale à l’Université Joseph KI ZERBO et devient Docteur d’Etat en Médecine en 1999. Initialement destiné à faire de la Gynécologie Obstétrique, il s’oriente plutôt vers une spécialité inexistante au Burkina Faso, la Rhumatologie et se dirige alors vers Abidjan en Côte d’Ivoire, où il obtient le Certificat d’Etudes Spécialisées en Rhumatologie en 2003 et un Certificat d’Etudes Spécialisées en Immunologie Médicale à la même date. Il revient au pays pour quelques mois, et s’envole en avril 2004 pour la France, où il fait successivement la fonction d’interne puis d’Assistant Chef de Clinique dans le Service de Rhumatologie du CHU Bichat Claude Bernard de Paris. Il retourne au Burkina Faso en 2006 malgré toutes les propositions qui lui ont été faites. Il débute aussi une carrière hospitalo-universitaire. Il devient Assistant en 2007, Professeur Agrégé en 2012 et Professeur Titulaire en 2016. De 2016 à 2018, il a été chargé de mission du Ministre de la santé. Depuis 2017, il est membre du Comité d’Ethique et de Recherche du Burkina Faso dont il assure la présidence depuis juin 2020. Pr Dieu-Donné OUEDRAOGO est aussi auteur d’un roman en cours de parution dont le titre est ‘’Souvenir d’un Médecin’’.  Bien passionné de la rhumatologie, Pr Dieu-Donné OUEDRAOGO voit dans cette spécialité un moyen de résoudre les problèmes de santé publique telle que l’invalidité liée aux arthroses et au mal de dos. Dans la rubrique ‘’Chez nous médecins’’ sur les pionniers de spécialités, nous avons rencontré cette semaine, Pr Dieu-Donné OUEDRAOGO, ‘’un Baobab’’ de la Rhumatologie au Burkina pour revivre cette époque.

 

Presse et Communication du CNOMB : 1er Rhumatologue du Burkina, racontez-nous comment ça s’est passé ?

Pr Dieu-Donné OUEDRAOGO : mes premiers amours étaient plutôt pour la Chirurgie et la Gynécologie Obstétrique. C’est ainsi que j’ai fait ma thèse sur un thème à cheval entre l’obstétrique et la pédiatrie, intitulée la liaison obstétrico-pédiatrique à Bobo-Dioulasso, sous la direction de notre Maître, le Pr Bibiane KONE. Avec son appui, nous avons participé et réussi au probatoire en gynéco-obstétrique à Abidjan, c’était en 1998. Après la soutenance de ma thèse en février 1999, j’ai continué pour la spécialité au cours de la même année. J’avais déjà entendu parler d’une spécialité qui s’appelait la Rhumatologie par un de mes aînés qui est le Pr BEOGO Rasmané, qui est chirurgien Maxillo-Facial. Sur place à Abidjan, je suis allé prendre des informations sur la spécialité auprès de celui qui allait devenir mon mentor le Pr Kouakou N’Zué Marcel. A l’époque, il y avait deux places disponibles pour le DES, je me suis enfermé pendant une semaine pour préparer ce probatoire, vu que je n’avais pas bénéficié d’enseignements dans cette spécialité. Je suis sorti major de ce test et c’est ainsi que j’ai pu commencer cette spécialité. Après les quatre années passées à Abidjan, j’ai profité également de ce temps pour faire un DES en Immunologie Médicale et Générale, toujours à l’Université Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire. J’ai eu l’occasion quelque mois après de partir dans un des services de référence en rhumatologie, en France, c’était le service de mon Maître, le Pr Olivier MEYER du CHU Bichat Claude Bernard de Paris où j’ai été successivement interne et ensuite j’ai eu l’honneur d’être choisi pour être un Assistant Chef de Clinique dans cet hôpital. Je suis rentré au Burkina en 2006.

Parlez-nous de l’organisation qui était en place à l’époque lorsque vous êtes rentré ?

En 2006 lorsque je suis rentré comme 1er Rhumatologue du Burkina, j’ai été affecté au CHU Yalgado OUEDRAOGO, dans le Service de Médecine Interne auprès de mon Maître, le Pr Joseph DRABO qui m’a intégré dans son équipe. Il faut dire que ce séjour en Médecine Interne m’a beaucoup enrichi, parce qu’à la fois j’ai pu prendre connaissance et apprendre beaucoup de la médecine interne. Ce n’est qu’en 2013 que le service de Rhumatologie du CHU Yalgado OUEDRAOGO a été mis en place mais il faut noter que c’était un service virtuel. Il n’y avait pas de service physique. J’étais toujours logé dans le service de Médecine Interne. J’ai travaillé dans un environnement qui était très favorable, j’ai eu donc l’appui de mon Assistante, Dr ZABSONRE Joëlle qui est rentrée en 2012. Dans le service de Médecine Interne, j’occupais un certain nombre de lits pour les malades qui justifiaient d’une hospitalisation et j’avais un jour de consultation dédié aux malades de ma spécialité. Ça se passait bien parce que le Service de Médecine Interne est un service très bien organisé, ce qui fait que j’arrivais à mener des activités sans trop de difficultés. Avant l’arrivée de Dr ZABSONRE, je n’avais pas une équipe. Il faut signaler que j’ai eu connaissance de Dr ZABSONRE par l’intermédiaire d’un de mes Maîtres qui m’a informé qu’il y avait une Burkinabè qui était en fin de spécialisation en France.  Au cours d’un de mes voyages à Paris, j’ai eu l’occasion de rencontrer Dr ZABSONRE. C’était en 2011, j’ai pu échanger avec elle et lui demander de rentrer le plus tôt possible au Burkina, afin que nous puissions déjà former une équipe pour que la spécialité puisse survivre. C’est ainsi que Dr ZABSONRE est rentrée en 2012 et ensemble nous avons commencé à mettre en place beaucoup de choses.  En termes de difficultés à l’époque, j’ai publié une étude sur le bilan de cinq ans d’activités et les résultats ont montré qu’on avait environ mille nouveaux patients par an. C’était une charge de travail très importante, mais nous étions quand même assez bien organisés, ce qui fait que nous arrivions à les prendre en charge, mais je peux vous avouer que c’était très difficile. La vie de famille en prenait un coup. La transition du CHU Yalgado au CHU de Bogodogo a été faite assez facilement. Il faut savoir que le CHU de Bogodogo devait être un pôle du CHU Yalgado OUEDRAOGO, et il se trouve que dans le 2e pôle, il était prévu un service de Médecine Interne. Le bâtiment dans lequel nous sommes était destiné au service de Médecine Interne, le Patron de la Médecine Interne m’a fait l’amitié et la confiance de me proposer plutôt pour ce service. Il a demandé à ce que je puisse récupérer le service sur le site du CHU de Bogodogo. C’est ainsi que le bâtiment qui devait être destiné à la médecine Interne a été confié à la spécialité de rhumatologie. C’était en 2016, mais nous avons déménagé ici en 2017.

Avant d’arriver au Burkina, est-ce que vous saviez que vous étiez le 1er Rhumatologue ?

Je le savais parce que l’école d’Abidjan où j’ai été formé était la seule école de formation de spécialistes en Rhumatologie en Afrique Sub-Saharienne Francophone. Dès que je suis arrivé, on m’a signifié que j’étais le 1er Burkinabè, donc je savais qu’il n’y avait pas eu de formations d’autres personnes dans cette spécialité, surtout qu’étant étudiant je n’avais pas bénéficié de ces enseignements. S’il en avait eu des spécialistes avant moi, ils auraient été enseignants et j’aurai pu bénéficier de leurs enseignements au niveau de l’Université.

C’est du courage de commencer une spécialité sans la connaître vraiment Professeur

Oui, c’est peut-être parce que je suis quelqu’un qui aime les défis.  Je n’aime pas beaucoup parler de moi, mais ceux qui me connaissent savent bien que j’aime les défis. Pour moi, il était important de faire une spécialité qui puisse apporter un plus. C’est pourquoi j’ai quitté la Gynécologie Obstétrique où je pouvais faire une carrière pour aller en Rhumatologie, parce qu’il n’y avait personne. Je me suis dit qu’en me formant dans cette spécialité, je pourrai apporter en termes d’offre de soins aux Burkinabè, mais également, je pourrai essayer de former des jeunes qui vont permettre à cette spécialité de vivre et de continuer à se maintenir au niveau du Burkina Faso.

Comment vivez-vous ce privilège ?

Je ne sais pas si c’est un privilège. Je vais vous citer un auteur, c’est un pionnier de l’informatique, un américain qui disait : « on reconnaît toujours les pionniers, ce sont eux qui gisent face contre terre, loin devant avec une flèche plantée dans le dos ».  C’est pour dire que ce n’est pas un privilège, c’est un sacerdoce. Le sacerdoce, vous savez que c’est une fonction qui régit un caractère quasi religieux par la vertu, par le dévouement et par l’exemplarité qu’elle exige. Quand on est un pionnier, on doit être quelqu’un d’exemplaire, on doit être quelqu’un de dévoué, on doit être quelqu’un qui puisse conduire les autres vers quelque chose de positif. Pour moi, il s’agissait d’abord de faire connaître la spécialité à la population, c’est pourquoi à l’époque quand je suis rentré, j’ai beaucoup fait d’émissions de télévision, j’ai beaucoup fait d’interviews dans les journaux et aujourd’hui nous utilisons les réseaux sociaux pour faire connaître la spécialité. Ensuite, il s’agissait pour moi de pouvoir enseigner. Avec la confiance que les Maîtres ont mise en moi, j’ai pu intégrer le corps enseignant de l’UFR/SDS en 2007. J’avais alors la possibilité d’enseigner des étudiants et c’est parmi ces étudiants que je comptais puiser pour former une équipe. C’est ce qui s’est passé. Aujourd’hui, de plus en plus j’ai une équipe assez importante.

Quelle a été votre stratégie pour attirer des médecins dans votre spécialité ?

Je ne sais pas si en la matière on peut parler de stratégie. Je ne pense pas qu’il y ait une véritable stratégie comme ce qui se voit dans le milieu politique. Je crois tout simplement que ce sont les valeurs de tous les jours qui attirent les médecins vers une spécialité donnée. Ces valeurs c’est l’humilité, c’est la modestie, le sens de l’écoute, l’accompagnement, le partage. Ce sont ces valeurs qui attirent les médecins vers une spécialité. J’ai une équipe avec laquelle j’ai des rapports de famille, nous prenons souvent le petit déjeuner ensemble, nous fêtons des anniversaires ensemble, nous voyageons ensemble pour des congrès internationaux. Il y a beaucoup de choses que nous faisons ensemble, une véritable vie de famille et beaucoup de médecins sont attirés par cette façon de faire. En 2017 avec l’accord des autorités universitaires, nous avons pu mettre en place le DES de Rhumatologie. Il faut noter que c’est le 2e DES en Afrique Sub-Saharienne francophone après celui de la Côte d’Ivoire. Nous avons maintenant la possibilité de former des spécialistes sur place, nous sortons la première promotion en 2021. Il faut déjà signaler que 5 ans avant ça, depuis 2012, il y avait une convention entre l’équipe d’Abidjan et moi qui permettait pour la formation des Burkinabè à ce qu’ils passent les deux premières années en Côte d’Ivoire et les deux dernières années au Burkina. C’était une convention tacite que nous avons eue entre les deux équipes et ce qui nous permettait de former pour les deux dernières années des Burkinabè ici. Depuis 2017, nous avons un DES en bonne et due forme qui nous permet de former entièrement. En 2006 j’étais seul, aujourd’hui nous sommes au nombre de 10. Nous avons également une Maître de Conférence Agrégée depuis quelques semaines, qui de plus est sortie comme Major de sa promotion et nous avons à ce titre reçu des félicitations des autres pays ayant participé à ce jury. C’est un motif de satisfaction, je pense qu’il y a beaucoup de choses encore qui restent à faire, nous continuerons de former des DES, nous espérons que lorsque nous irons à la retraite, nous aurons suffisamment de spécialistes pour l’ensemble du territoire. Mais déjà pour le temps que nous avons fait, nous avons des spécialistes en Rhumatologie au niveau de Ouagadougou, de Bobo-Dioulasso, de Ouahigouya. On essaie déjà de décentraliser la spécialité et on espère que dans le temps qui nous reste encore comme temps d’activité professionnelle, nous aurons l’occasion de pouvoir avoir des spécialistes dans l’ensemble du territoire du Burkina.

Déjà comment vous vivez cette éclosion ?

Cette éclosion est bien. Comme je le disais c’est un motif de satisfaction, je crois qu’il faut continuer de travailler.  Je suis d’autant satisfait qu’en termes de qualité de formation. Sans nous jeter des fleurs, je crois que nous avons quand même des motifs de satisfaction. Pour citer un exemple, nous avons six de notre équipe qui sont admis à des tests en France et sont en train de partir pour des formations complémentaires. Ce sont des médecins qui ont pris part à une compétition au même titre que d’autres pays en Afrique et nous avons quand même eu le fort taux. Nous allons continuer de travailler pour que la qualité y soit et que le nombre aussi puisse y être.

 

 

Des conseils d’une manière générale ?

Avant de donner des conseils, je voulais tout d’abord traduire ma reconnaissance à nos Maîtres qui nous ont formés, les Maîtres qui ont eu confiance en nous en nous permettant d’enseigner.  Certains sont toujours avec nous, nous profitons pour les témoigner notre reconnaissance, d’autres malheureusement nous ont quitté, nous leur rendons hommage pour tout ce qu’ils ont fait pour nous.

 En termes de conseils pour les jeunes, c’est de persévérer, c’est d’avoir des objectifs ; j’ai eu l’occasion de rencontrer des jeunes qui commençaient une spécialité, qui sont des pionniers dans leurs spécialités. Avant qu’ils n’aillent en spécialisation, je les ai apportés tout mon appui et mes conseils ; je leur ai expliqué la difficulté que ça peut être, mais à la fin, je pense qu’on gagne toujours, parce qu’on participe à former des hommes. Cette formation des hommes est importante. C’est le rôle que nous avons en tant qu’enseignant. Quant aux étudiants, les médecins, je dirai que seul le travail paie. C’est ce que nous avons fait pendant notre parcours, c’est ce que nous allons faire encore le temps qui nous reste comme parcours à faire, c’est ce qui fait les hommes. J’ai coutume de dire à mes Assistants que le génie n’existe pas. C’est le nombre d’heures de manque de sommeil, le nombre d’heures de travail qui forme le génie et donc je les encourage à essayer de travailler dans l’humilité et après je pense qu’ils récolteront ce qu’ils ont semé.

Un message ?

Je tiens à remercier le Conseil National de l’Ordre des médecins pour le travail qu’il abat. Je suis les activités du Conseil National de l’Ordre des Médecins depuis quelques années et je suis vraiment heureux de constater qu’il y a une activité vraiment intense aussi bien en terme de régulation de l’activité des médecins, mais également en termes de rendre visible ce que les médecins font chaque jour. Je tiens à féliciter l’ensemble du Conseil National de l’Ordre des Médecins pour ce travail. Merci.

Presse et Communication du CNOMB

 

 

 

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