Dr Adama SAWADOGO est un Pionnier en Chirurgie Cardio-vasculaire au Burkina Faso. Lorsqu’il obtient son baccalauréat série ‘’D’’ au Lycée Provincial de Kaya, il entre tout heureux à l’Université Joseph KI ZERBO pour ses études de médecine. En 2008, il obtient le titre de Docteur d’Etat en médecine et enchaîne avec la spécialisation en Chirurgie générale dans la même Université. En 2012, il devient Chirurgien général et c’est le tour du monde qui commence pour lui pour sa spécialisation en Chirurgie Cardio-vasculaire. Il sera d’abord à l’Université Catholique de Louvain en Belgique de 2013-2014, puis au Queen Elisabeth Hospital à Birmingham dans le centre de l’Angleterre, avant de revenir plus proche du Burkina à Dakar au Sénégal, dans le service de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire du CHU de Fann de 2016 à 2017. Il retourne à nouveau en Europe au CHU Clermont-Ferrand en France, où il termine ses études de spécialisation en 2018. Il rentre au Burkina où il est recruté au CHU de Tengandogo avant d’être intégré dans la Fonction Publique. C’est aussi le début de sa carrière de Chirurgien Cardio-vasculaire. 4 mois après, le CHU de Tengandogo a pu organiser une première mission de chirurgie à cœur fermé. Dr SAWADOGO sera alors avec son Maître Sénégalais, le Pr Gabriel CISS au cours de cette mission chirurgicale. Encouragé par cette première réussite, il décide d’explorer le terrain asiatique en se rendant à l’Institut du Cœur de la Fondation Alain CARPENTIER Hô Chi Minh ville (ex Saigon) au Vietnam où on opère environ 2 mille cœurs par an. Enrichi par 3 mois de pratique en chirurgie cardiaque, congénitale et adulte, il revient au Burkina Faso, nanti d’une expertise pour se mettre à la disposition de sa population. Quotidiennement, il pratique des activités de consultation, de chirurgie vasculaire, de chirurgie cardiaque à cœur fermé et très bientôt, il débutera des interventions à cœur ouvert. Dr Adama SAWADOGO a été séduit depuis la 1ère année de médecine par la maîtrise de l’anatomie du Pr Théodore OUEDRAOGO, ensuite lors des stages hospitaliers par le Pr Gilbert BONKOUNGOU qui pratiquait avec dextérité la chirurgie thoracique et vasculaire, enfin par le Pr Adama SANOU pendant son internat pour la qualité de son encadrement et de son coaching. Dr Adama SAWADOGO a choisi cette spécialité par passion pour la chirurgie et par la compassion pour les nombreux cardiopathes qui sont condamnés à attendre leur dernier jour. Dans la rubrique ‘’Chez nous Médecins’’ sur les Pionniers de Spécialités, nous avons rencontré cette semaine Dr Adama SAWADOGO, ‘’un Baobab’’, même s’il est jeune de la Chirurgie Cardio-vasculaire au Burkina, pour connaître son parcours, ses motivations et ses perspectives.
Presse et Communication du CNOMB : vous êtes un pionner en Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, racontez-nous comment ça s’est passé ?
Dr Adama SAWADOGO : merci pour l’opportunité que l’Ordre National des Médecins me donne pour parler de la spécialité. C’est une spécialité qui est à la fois ancienne et nouvelle, car elle compte 3 sous spécialités qui sont la Chirurgie Cardio-vasculaire encore appelée Chirurgie cardiaque, celle que je pratique. Cette branche s’occupe du traitement chirurgical des affections du cœur et des gros vaisseaux du tronc. Deuxièmement, nous avons la Chirurgie Vasculaire et Endo-vasculaire qui consiste au traitement des lésions des artères et des veines et souvent des lymphatiques du tronc, des membres et du cou. Enfin, nous avons la Chirurgie Thoracique qui s’occupe du traitement des maladies de la paroi du thorax, des poumons, des plèvres, du médiastin et du diaphragme. Ainsi présenté, vous voyez que c’est difficile de parler de pionnier en faisant référence à ma personne, car c’est une spécialité qui est à cheval entre la Cardiologie, la Pneumologie et la Chirurgie. C’est pourquoi, le mérite revient avant tout, à mes Maîtres de Cardiologie comme le Pr ZABSONRE, le Pr SAMANDOULGOU, le Pr NIAKARA, le Pr NEBIE et le Pr YAMEOGO pour ne citer que ceux-là, bien sûr au Pr Martial OUEDRAOGO de la Pneumologie et je dirai avant tout, à mes Maîtres et devanciers de la Chirurgie avec qui j’ai appris la spécialité depuis mes débuts. Il s’agit notamment du Pr Gilbert BONKOUNGOU, du Pr Maurice ZIDA, du Pr Adama SANOU, du Dr Maurice ILBOUDO qui fût le premier à se spécialiser en Chirurgie cardio-vasculaire et également à mon collègue de tous les jours, Dr Moussa BAZONGO. Il faut se dire que depuis la première année de médecine, la Chirurgie constituait une passion pour moi, ainsi que l’Anatomie que nous avons connu avec Pr Théodore OUEDRAOGO et je profite lui rendre hommage. Très rapidement donc, dès la 6e année, j’ai déposé mes valises dans le service de Chirurgie Viscérale du CHU Yalgado OUEDRAOGO à l’époque dirigé par le Pr SANO et le Pr TRAORE et c’est eux qui m’ont appris mes premières incisions et mes premiers gestes. J’y suis resté et en 2008 j’ai soutenu une thèse de Doctorat dans le même service. Après la thèse, immédiatement à la faveur d’un concours de spécialisation organisé par le Ministère de la Santé, j’ai débuté ma formation en Chirurgie Générale. Cette fois-ci avec une orientation Cardio-vasculaire. En témoigne, mon premier stage européen, c’était en 2009 à l’Hôpital Saint-Joseph de Marseille, dans le service de Chirurgie Thoracique et Vasculaire où j’ai appris à me familiariser avec la spécialité. Quand je suis revenu en 2012, j’ai terminé la spécialisation, j’ai essayé d’avoir des connexions, j’ai cherché dans mes amitiés des opportunités pour se spécialiser en Chirurgie Cardiaque, parce qu’à l’époque il n’y avait pas d’opportunités de le faire en Afrique Francophone. C’est ainsi que ma candidature a été acceptée à l’Université Catholique de Louvain à Bruxelles où j’ai rejoint l’hôpital Saint-Luc en 2013, dans le service de Chirurgie Cardio-vasculaire et Thoracique. J’y suis resté jusqu’en 2014 avant de m’envoler pour l’Angleterre à Birmingham, au Queen Elisabeth Hospital et c’est en fin 2015 que je suis revenu à Ouagadougou pour mon congé. Là, je vous avoue que j’étais un peu pessimiste, parce qu’en comparant l’équipement des hôpitaux où j’ai été formé avec ce qu’on avait sur place, je me disais que ça n’allait pas être possible de pratiquer la spécialité ici dans notre contexte. Mais sur les conseils du Pr Adama SANOU qui est mon mentor, je dirai même sous son impulsion, j’ai été dans le service de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire du CHU de Fann de l’Université Cheick Anta DIOP de Dakar, chez Pr N’DIAYE et Pr CISS. Ce stage m’a redonné de l’optimisme, parce que pour la première fois j’ai vu des Chirurgiens cardiaques africains pouvoir pratiquer la spécialité dans un contexte africain avec des moyens qui étaient similaires à ceux du Burkina. C’est rempli d’optimiste que je repars, je dirai une dernière fois en Europe, cette fois-ci en France à Clermont-Ferrand pour rebooster ce que je connaissais déjà et aussi parce qu’on devait préparer une équipe pour qu’à mon retour j’aie déjà un environnement propice pour mon travail. Effectivement ce stage a été très bénéfique pour moi à titre individuel et pour l’hôpital de Tengandogo, parce qu’il nous a permis de signer une convention cadre qui nous a permis d’envoyer plus tard les membres de l’équipe qui y ont été formés. De retour de Clermont-Ferrand, j’ai commencé à pratiquer mais de juillet à octobre 2019, j’ai fait un stage au Vietnam pour essayer d’avoir une expérience asiatique. Le Vietnam est un pays en développement comme le Burkina, mais qui a un Institut du Cœur, à Saigon à Hô Chi Minh ville actuellement, de la Fondation Carpentier où on opère 2 mille cœurs ouverts par an. On voulait aller avec des médecins Anesthésistes pour s’inspirer sur ce qu’ils font et aussi comprendre comment malgré un niveau économique qui est certes meilleur que celui du Burkina, ils arrivaient à faire autant que les Européens, sinon mieux en matière de Chirurgie Cardiaque. Depuis notre retour du Vietnam, on n’a plus bougé, on consulte et on opère. Voici un peu résumé le parcours de ma formation.
Est-ce que vous êtes le 1er spécialiste en Chirurgie Cardio-vasculaire ?
Non. Comme je vous l’ai dit, si on prend le volet Cardio-vasculaire, il y a eu d’abord le Dr Maurice ILBOUDO qui a été formé à Clermont-Ferrand avant moi, puis à Lyon. Je peux dire que je suis le 2e à être formé. Dans le volet thoracique, on avait le Pr Gilbert BONKOUNGOU qui faisait de la Thoracique et de la Vasculaire ainsi que le Pr Maurice ZIDA.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à la Chirurgie Cardio-vasculaire ou Chirurgie Cardiaque ?
C’est une histoire très touchante, parce que quand j’ai commencé mes premiers stages en tant que stagiaire externe dans le Service de Cardiologie du CHU Yalgado OUEDRAOGO, j’ai été touché de voir beaucoup de patients qui mouraient malgré les soins adéquats et surtout malgré les efforts que les Cardiologues déployaient pour les aider à retrouver la santé. Et à l’époque, on nous disait que s’il y avait la Chirurgie Cardiaque, certains patients à coup sûr seraient certainement sauvés. C’est ce qui m’a poussé à m’orienter vers cette spécialité. Mais disons-nous la vérité, à l’époque on ne pouvait pas rêver de faire la Chirurgie Cardiaque un jour. C’est quand j’ai commencé à faire la Chirurgie Générale que l’idée m’est revenue exactement d’essayer de trouver des opportunités pour me sur-spécialiser en Chirurgie Cardiaque.
Comment vivez-vous ce privilège ?
Je pense que ma place n’est pas celle d’un privilégié. Mais je conçois ma position comme étant celle d’un défi, parce que comme vous le savez, tout est à faire, il faut former une équipe complète, ça prendra certainement plusieurs années. En dehors de la formation de l’équipe, il faudrait pouvoir développer la spécialité, dans un moyen terme, il faudrait arriver à former plusieurs équipes au Burkina Faso et pourquoi pas ne pas être en mesure de pratiquer la Chirurgie Cardiaque dans tous les grands centres du pays. Comme vous le voyez, beaucoup de défis restent à relever.
Est-ce que vous avez commencé à inciter des jeunes à s’intéresser à cette spécialité ?
Affirmatif. Dès notre retour, quand on a organisé la première campagne en 2019, il y a eu la participation massive non seulement d’étudiants en médecine mais aussi de jeunes confrères comme ceux qui sont en spécialisation en Chirurgie Générale. Depuis lors, il y a beaucoup qui me suivent quand je consulte ou quand j’opère. Ce sont des occasions pour moi d’enseigner ce que je connais, et je n’hésite pas à être optimiste quant à la possibilité d’avoir beaucoup de médecins qui s’orienteraient vers cette spécialisation dans un moyen délai. Je dirai même qu’au-delà de ma personne, il faudrait se réjouir parce que le Ministère de la Santé a anticipé les choses. Au jour d’aujourd’hui, en matière de Chirurgie Cardio-vasculaire, il y a un qui est en spécialisation à Dakar qui est pratiquement en fin de formation, et trois en spécialisation au Maroc. Cette année heureusement, il y a un certain nombre de bourses qui ont été mises en jeu lors du concours de spécialisation et nous attendons toujours les résultats.
Est-ce que vous avez des perspectives ?
Oui. Nous avons déjà une feuille de route qui a été définie et tracée par la Commission Médicale d’Etablissement du CHU de Tengandogo, qui a inscrit tout ce que nous faisons dans son projet médical d’établissement, 2016-2020 où l’ouverture d’un service de Chirurgie Cardiaque était l’un des projets phares. Nous, nous avons concrétisé en partie ce rêve, mais nous nous disons que nous allons continuer de parfaire la formation de l’équipe, bien sûr travailler avec ceux qui sont sur place, mais aussi nous avons signé des conventions avec des partenaires extérieurs, des ONG, qui ont plus d’expérience dans la pratique de la Chirurgie Cardiaque. Le concours de tous ces éléments devrait nous permettre d’affirmer la place de la spécialité non seulement au CHU de Tengandogo mais aussi au Burkina, pourquoi ne pas faire bénéficier aux patients des pays voisins.
Un message ?
Mon message particulier s’adresse d’une part à tous les patients qui souffrent du cœur, et d’autres part à tous les confrères qui gèrent les patients cardiopathes au jour le jour. J’aimerais leur dire que la Chirurgie Cardiaque est désormais une réalité au CHU de Tengandogo, donc je les invite à venir consulter ou à nous référer des patients. Certes, nous sommes à nos débuts, nous ne sommes pas en mesure d’opérer tous les cardiopathes qui nécessitent de la chirurgie, mais nous montons crescendo et l’espoir est permis et d’ici là nous allons améliorer notre plateau d’offre de soins.
Presse et Communication du CNOMB