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Pr Jean KABORE

Il est le Pr Bawindsongré Jean KABORE, il est le 1er Neurologue du Burkina, il est le Chef de Service de Neurologie du CHU Yalgado OUEDRAOGO où il y officie depuis septembre 1987. Pr Jean KABORE mène ses études de médecine à l’Université Cheick Anta DIOP de Dakar et devient médecin Neurologue en 1987, après un cursus d’internat et après avoir passé 12 ans dans ce pays de la Teranga où il est arrivé le en octobre 1975. Il rentre au Burkina en juillet 1987 et est affecté au CHU Yalgado OUEDRAOGO comme le tout premier Neurologue burkinabè. C’est aussi le début de sa carrière hospitalo-universitaire. Il devient Professeur Agrégé en novembre 1996 et Professeur Titulaire en juillet 2008. En 2005, le Service de Neurologie est créé et Pr KABORE est nommé Chef de service. Pr Jean KABORE a choisi de faire la neurologie, parce qu’il a eu le privilège de côtoyer des patrons exceptionnels lors des stages de psychologie médicale, qui lui ont donné cet envie de faire la neurologie de par leur manière, leur savoir-faire et leur savoir-être.  Aujourd’hui, lui aussi a su inspirer plus d’un à embrasser cette spécialité. Membre Fondateur de la Société de Neurologie du Burkina et le 1er Président de cette Société, il est aussi Membre Fondateur de la Ligue Burkinabè contre l’épilepsie.  Pr Jean KABORE coordonne le Diplôme d’Etudes Spécialisées de Neurologie à l’Université Joseph KI ZERBO. Dans la rubrique ‘’ Chez nous Médecins’’ consacrée aux pionniers de spécialités, nous avons rencontré  cette semaine Pr Bawindsongré Jean KABORE, un ‘’Baobab’’ de la Neurologie au Burkina pour revivre cette époque.

 

Presse et Communication du CNOMB : Professeur, nous savons que vous êtes le 1er Neurologue du Burkina, racontez-nous comment c’était à l’époque

Pr Jean KABORE : je suis rentré de Dakar où j’ai fait l’intégralité de mes études à l’Université de Dakar avec certains collègues que vous connaissez certainement. En juillet 1987 je suis rentré avec des aînés qui sont revenus à Dakar faire leur spécialisation. A l’époque, il n’y avait pas autant de spécialités à Yalgado. Je me rappelle qu’il y avait simplement la pédiatrie, la gynéco-obstétrique et les services chirurgicaux ; les services médicaux comprenaient la pneumo-phtisiologie que dirigeait le Professeur Hilaire TIENDREBEOGO, le service des maladies infectieuses, la cardiologie ; le service de médecine où il y avait encore un Français qui dirigeait le service, en l’occurrence le Docteur Daniel Tranchant. Je suis en effet le premier neurologue du Burkina, j’ai commencé à l’hôpital Yalgado le 23 septembre 1987 avec une note signée par le Secrétaire Général du Ministre de la Santé. J’étais pressé de commencer le travail, je n’ai pas attendu l’arrêté d’intégration. Il n’y avait pas de service de Neurologie, il n’y avait pas de service de Néphrologie. en 1987, on venait de faire la réforme des services médicaux de l’hôpital Yalgado. Les services de médecine A, B et C ont été refondus : Le service de Médecine A où on hospitalisait les fonctionnaires, est devenue la Cardiologie, le service de Médecine B est devenue le service d’Hépato-Gastro Entérologie et le service de  Médecine C rassemblait les autres spécialités non encore existantes qu’on appelait à l’époque le service de Médecine Interne. Et quand je suis rentré, je disais que c’était le Dr Tranchant qui était un médecin militaire Français qui dirigeait le service ; il était interniste et nous étions le 1er spécialiste, mais nous serons rejoint quelques mois plus tard par le Docteur LENGANI Adama, Néphrologue qui est rentré de France, puis plus tard le Docteur DRABO, médecin militaire. Il était déjà au Burkina et travaillait dans la Région de Fada N’Gourma. A l’époque, on avait ces trois spécialités, médecine interne, néphrologie et neurologie qui cohabitaient.  En 2003, sur proposition de la Commission Médicale Consultative (CMCE) les services de néphrologie et de neurologie seront créés.  Les services d’hématologie clinique et de rhumatologie seront ouverts plus tard, toujours à partir du même service de Médecine Interne.

Premier Neurologue du Burkina, comment vivez-vous ce privilège ?

Oui, on peut effectivement l’appeler privilège pour avoir été le 1er médecin Neurologue.  La population et les collègues médecins découvraient une nouvelle spécialité qui est réputée difficile. Nous avons eu l’avantage de faire nos premiers diagnostics, mais il faut ajouter aussi que comme à l’époque, les infrastructures à l’hôpital Yalgado étant sommaire, la plupart des diagnostics que nous faisions aboutissaient à l’évacuation sanitaire des patients, soit vers Abidjan soit vers la France. Je me rappelle encore que mon tout premier patient évacué était un enfant de 12 ans, qui avait une tumeur du cerveau ; ce patient a été évacué sur Paris pour être opéré malgré le manque de moyens que nous avions à l’époque.

Parlant de l’accueil, je peux dire que j’ai été bien accueilli. Les uns et les autres étaient curieux de voir qu’est-ce que c’est qu’une maladie neurologique. Si je prends par exemple le cas de l’épilepsie, c’était les psychiatres qui s’en occupaient, cette catégorie de patients commençaient maintenant à venir à mes consultations. Pendant cette époque, j’ai dû m’occuper des maladies d’autres spécialités qui n’étaient pas de la neurologie. C’est ainsi que j’ai eu à m’occuper pendant longtemps de tout ce qui y avait comme pathologie rhumatologique, les maux des articulations, les maux de dos, jusqu’à ce que les premiers rhumatologues rentrent pour prendre en charge les patients de leur spécialité.  Comme avantage aussi que j’ai vécu, la neurologie étant réputée difficile, j’avais des avis à donner dans la plupart des services, que je faisais avec plaisir. Les services de gynécologie, les services de chirurgie, les services de pédiatrie, et je me déplaçais régulièrement pour aller donner mon avis sur les cas de ces patients hospitalisés dans ces différents services de l’hôpital Yalgado OUEDRAOGO.

Parlant du volet organisationnel à l’époque, c’était comment ?

Quand je suis arrivé, il n’y avait pas de service de neurologie, je l’ai dit tantôt.  C’était le service de médecine interne. Le service comptait à l’époque une vingtaine de lits et nous nous entendions avec les autres spécialistes pour l’hospitalisation des patients et la gestion des lits. L’hôpital Yalgado recevait beaucoup de patients et certains même étaient couchés par terre. Nous avons dû prendre des dispositions pour éviter que les malades ne soient couchés à terre, on a dû augmenter notre activité de consultation externe, augmenter le nombre de consultations dans la semaine, mais aussi allonger le temps de consultation. Je me rappelle, j’avais des consultations tard dans la journée.  Pour prendre exemple, au soir du 15 octobre, j’ai consulté de 14h jusqu’à 19h et quand j’ai fini ma consultation, il n’y avait pas de route pour rentrer, parce qu’il y avait les barrages par les militaires qui venaient de faire le coup d’Etat.

Pendant ce temps, j’étais seul et l’équipe infirmière qui était dans le service appartenait à la médecine interne. Il n’y a pas eu un personnel dédié  à la neurologie.  Je faisais seul mes consultations.  J’avais d’ailleurs des activités que je ne peux plus mener aujourd’hui. Je faisais les visites et je descendais à la radio faire quelques examens de contraste avec les collègues radiologues et un coopérant russe neurochirurgien. J’avais effectivement un bureau mais quand les autres spécialistes sont rentrés, on a eu à cohabiter pendant un certain temps avant que chacun n’ait son bureau propre. De par le développement du CHU Yalgado OUEDRAOGO, il devenait apparent que la médecine interne ne pouvait pas regrouper toutes les autres spécialités qui arrivaient.  A un certain moment, il y avait d’autres spécialistes qui sont arrivés, et il devenait impératif d’éclater le service de médecine C. Le service a été créé en 2003, mais nous avons intégré nos locaux seulement en 2005. Le service de rhumatologie a été en 2006 ainsi de suite. Actuellement les différentes spécialités médicales sont en train de s’ouvrir et d’avoir leurs locaux propres au CHU Yalgado.  C’est avec la création du service de neurologie que la ressource humaine a été affectée avec les infirmiers, infirmières, les garçons de salle, ce qui permettait maintenant à ce service de fonctionner normalement. Au départ, c’était un service de 23 lits, nous avons dû supprimer un lit qui était une chambre individuelle pour recevoir les DES, par manque de place mais nous avons des ambitions pour agrandir le service , puisque le bâtiment dans lequel nous sommes est prévu pour monter à étage et nous espérons que nous aurons de nouveaux locaux pour agrandir le service et en même temps accueillir un nouveau personnel.

Quelle a été votre stratégie pour attirer des médecins dans votre spécialité ?

Parler de stratégie, je n’irai pas jusque-là, mais il faut dire que quand on est seul dans sa spécialité c’est un handicap. C’est aussi une joie de voir que d’autres collègues s’intéressent à la spécialité. Les médecins qui suivent leur formation considèrent la neurologie comme une spécialité difficile, donc nous  devons présenter notre spécialité comme quelque chose d’attrayant tout en sachant qu’elle ne l’est pas.  On dit de la neurologie qu’on y fait de beaux diagnostics et c’est peut-être par-là que certains de nos collègues sont attirés par notre façon de raisonner, notre façon de faire les diagnostics, notre façon de prendre en charge. Ça eu de l’émule au sein des étudiants et je suis heureux de dire qu’actuellement je ne suis plus seul. On est plus d’une dizaine de médecins neurologues au Burkina. L’apprentissage en médecine, c’est le compagnonnage. En regardant travailler le médecin, en regardant faire la consultation, en regardant raisonner pour aboutir à un diagnostic, c’est ce qui attire.

En termes d’équipements biomédicaux, c’était comment par rapport à maintenant ?

Quand j’arrivais, au début je n’avais que ce que le médecin généraliste utilisait pour faire ses consultations. Je pouvais aller n’importe où au Burkina pour pratiquer la neurologie. C’est une spécialité qui utilise beaucoup d’équipements. Le scanner a été inventé à cause des maladies neurologiques, l’imagerie par résonance magnétique a été inventée à cause des maladies neurologiques essentiellement avant de s’étendre aux autres spécialités. A Ouagadougou, depuis 2000, nous avons le scanner, maintenant il y a près d’une dizaine de scanners dans la ville ; nous avons 3 IRM à Ouagadougou mais il faut dire qu’à l’époque on n’avait que la radiographie standard pour explorer les maladies neurologiques.  Si sur le plan de l’imagerie les choses ont progressé, nous avons d’autres moyens de diagnostics  où à ce niveau la neurologie n’a pas du tout progressé. Nous avons le laboratoire qui jusqu’à présent ne nous apporte pas grande chose en matière de neurologie, de même que les explorations électriques. J’ai eu le premier électro encéphalographe en 1992 et je suis désolé de le dire, actuellement le service de neurologie ne dispose pas d’électroencéphalographe.  C’est un recul par rapport au passé.

Aujourd’hui, on a de plus en plus de médecins neurologues, comment vivez-vous cette éclosion ?

Moi je le vis bien et c’est surtout un soulagement, parce que mon âge ne me permet plus de consulter jusqu’à des heures tardives, les rendez-vous ne sont plus longs et comme il y a plusieurs médecins de cette spécialité, les patients n’attendent plus longtemps pour voir un médecin spécialiste. Mais, nous sommes encore loin du compte. Avec les 11 neurologues que nous sommes, avec une quinzaine en formation, nous sommes encore loin des normes de l’OMS qui propose 1 spécialiste pour à peu près 20 à 30 mille habitants. Avec les 20 millions de Burkinabè, si on doit compter un neurologue pour 20 mille habitants il faudra qu’on soit à peu près 100 neurologues et nous sommes encore loin du compte.  Mais moi je suis soulagé, je ne suis plus obligé de consulter jusqu’à 20 heures,  je ne suis plus obligé de travailler comme je l’ai fait il y a 30 ans.  Il y a d’autres personnes qui sont là pour m’aider à faire ce travail.

Des Conseils particuliers ?

Que dire aux jeunes ? La médecine actuellement est vaste, très vaste. Quand on s’engage à être médecin, il faut tout de suite envisager une spécialité, prendre une partie de l’organisme pour aller en profondeur, c’est ça la spécialisation. Ça peut être le cœur, ça peut être les reins, ça peut être le cerveau ou autre chose. Il y a autant de spécialités qu’il y a d’organes ou de systèmes dans l’organisme.  la complexité de l’organisme humain fait la complexité de ses maladies et de leur prise en charge. Et quand on veut bien faire, il faut aller en profondeur.  La place de la médecine générale reste là, mais le patient demande toujours à voir un spécialiste pour prendre en charge sa maladie. J’encourage ceux qui optent pour une spécialisation  de goûter à la neurologie, c’est passionnant et le cerveau a encore plein de secrets à livrer et n’attend que les candidats pour livrer ses secrets.  

Presse et Communication du CNOMBF

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