Pr Julien YILBOUDO est le 1er Professeur Agrégé en Orthopédie-Traumatologie du Burkina Faso. Après l’obtention de son baccalauréat en 1965, Julien YILBOUDO à l’époque, devait se rendre en France pour des études en agriculture à l’aide d’une bourse de l’Etat burkinabè. Ayant raté l’avion, il est contraint de renoncer à cette opportunité et obtient après quelques difficultés, à nouveau une bourse pour se rendre à Abidjan en Côte d’Ivoire. Il s’inscrit malgré lui en médecine, même si après il a pris goût à cette spécialité. En 1968-1969, l’étudiant Julien YILBOUDO est admis au concours d’Internat des CHU d’Abidjan. Il devient Docteur d’Etat en médecine en 1975 et continue en France pour renforcer sa formation de chirurgien. Là-bas, il aura l’opportunité de préparer des diplômes : le Certificat d’Université et le Certificat d’Etudes Spéciales en Chirurgie. Dr Julien YILBOUDO rentre au Burkina en 1978 et va travailler dans le Service de Chirurgie de l’hôpital Yalgado OUEDRAOGO en son temps. Par la suite, il est affecté à Kaya mais n’a pas rejoint le poste, parce qu’il n’y avait aucune possibilité matérielle de pratiquer la chirurgie à l’époque. Mais sur le plan administratif, il était considéré comme le Chef de service de Chirurgie de l’hôpital de Kaya, jusqu’à ce que le Bloc Opératoire soit en mesure de recevoir un Chirurgien. En 1981, il repart en France pour faire l’Orthopédie-Traumatologie sur les conseils de son ancien patron français. Il revient au Burkina après 4 années d’études avec une qualification en Orthopédie-Traumatologie et rejoint l’hôpital Yalgado OUEDRAOGO où il est nommé Chef de Service de Chirurgie. Il débute aussi une carrière hospitalo-universitaire, en tant qu’Assistant Chef de Clinique à l’Université. Deux ans plus tard, il est candidat au concours d’agrégation et devient le tout premier Professeur Agrégé en Orthopédie-Traumatologie du Burkina en novembre 1986. En 1996, le service de Traumatologie est créé en tant que service autonome et Pr Julien YILBOUDO est nommé Chef de Service, poste qu’il occupe jusqu’à son admission à la retraite en 2002. Il poursuit ses activités chirurgicales dans le privé. Dans la rubrique ‘’Chez nous Médecins’’ sur les pionniers de spécialités, nous sommes allés à la rencontre cette semaine de Pr Julien YILBOUDO, ‘’un Baobab’’ de l’Orthopédie- Traumatologie au Burkina pour revivre cette époque.
Presse et Communication du CNOMB : Premier Professeur Agrégé en Orthopédie Traumatologie du Burkina, dites-nous un peu sur votre parcours de Chirurgien général à médecin Orthopédiste-Traumatologue
Pr Julien YILBOUDO : je suis rentré au pays en 1987, j’ai été intégré dans l’équipe qui était dirigée par le Pr OUIMINGA, j’ai commencé à travailler et j’ai été affecté à Kaya, mais à Kaya, il n’y avait pas toutes les possibilités pour entreprendre l’activité chirurgicale. Sur ces entre faits, j’ai la visite de mon patron en France, qui vient à la lecture du programme qui est affiché au tableau, et me dit, ‘’Monsieur YILBOUDO, pourquoi ne pas revenir en France où vous avez une chirurgie qui serait conforme aux activités et aux diplômes que vous avez eus. Rester pour opérer des hernies, faire des occlusions, c’est bien, mais vous pouvez revenir dans le service qui vous est ouvert, pour avoir un meilleur programme et avoir des activités qui seraient plus gratifiants en fonction du parcours chirurgical que vous avez eu. ’’ Après donc les conseils de mon patron, je suis retourné en France. Dans son service, il n’y avait plus de place, c’est ainsi qu’il m’a proposé d’aller chez son collègue dont le service faisait principalement et presqu’exclusivement de Traumatologie-Orthopédie. J’ai fait 4ans, puis le Professeur m’a conseillé d’aller ensuite à Paris et c’est ainsi que j’ai passé près de 8 mois à l’hôpital Henry Mondor et là, pour la première fois que j’ai la chance, il y a une grève des internes et des assistants et il n’y avait que le Chef de service qui venait. Et comme, il n’y avait pas d’assistants ni d’internes, il était obligé de m’appeler pour l’assister lors des interventions concernant ces patients privés, des interventions auxquelles je n’avais pas pu assister ailleurs. J’ai pu les voir de près et c’était essentiellement la chirurgie de la hanche, de l’adulte et quelque fois la chirurgie infantile. Je suis revenu après 4-5ans au Burkina et il fallait faire avec ce qui existait d’alors. J’ai intégré une fois de plus une équipe qui était beaucoup plus intéressée par la chirurgie générale que par la chirurgie Traumato-Orthopédie. C’est ainsi que la vocation à avoir des activités traumatologiques s’est confirmée. Un évènement par lequel j’ai été poussé, a été la création cette fois-ci de l’Université par les devanciers que je dois rendre hommage pour le travail qu’ils ont fait, le Pr OUIMINGA, le Pr TIENDREBEOGO, le Pr SANOU. L’Université avait inscrit la Traumatologie comme devant être enseignée. Si on enseigne à l’Université, il faut bien trouver un terrain de stage pour que cet enseignement ne soit pas uniquement que théorique. Je me suis trouvé candidat après deux ou trois années d’assistanat à l’agrégation au titre des spécialités chirurgicales et en particulier de la Traumatologie et je suis devenu le 1er Pr Agrégé en Orthopédie- Traumatologie en 1986. Mais, il faut que je revienne sur un évènement important. En 1984, de retour de France, un jour j’apprends par le Pr SOUDRE que j’ai été nommé Chef de service de Chirurgie générale à mon grand étonnement ; puisqu’il y avait le Pr OUIMINGA, le Pr SANOU, il y avait des collègues qui étaient là bien avant que je n’arrive. J’ai voulu riposté, le ministre d’alors m’a fait savoir que pendant la révolution les nominations sont des affectations et que par conséquent, j’étais obligé d’accepter le poste de Chef de service. J’avoue que ça été un problème pour moi, puisqu’en médecine il y a une hiérarchie et je me suis expliqué en particulier au Pr SANOU, mais nous n’avons pas eu gain de cause. J’ai dû exercer la fonction de Chef de service de Chirurgie envers et contre tous. Et comme il y’avait l’intervention des CDR, je me suis retrouvé en première ligne lors de la programmation en activités digestives, et petit à petit je me suis retrouvé en train de faire de la Traumatologie-Orthopédie et d’abandonner petit à petit la chirurgie viscérale que j’aimais très bien. Il fallait que le service s’organise dans le cadre de ce qui était prévu dans l’évolution de l’université. Il y a eu en 1996 grâce à la pression des Chirurgiens, grâce à la pression des évènements la création d’un service de Traumatologie. C’est alors en ce moment que pouvez parler de pionnier encore que ce titre paraît bien ronflant, puisque y’avait bien longtemps que les autres faisaient de la Traumatologie. Donc, le terme de pionnier n’est pas tout à fait exact. J’ai été pionnier au regard du titre, mais je n’ai pas été premier par rapport aux activités qui étaient menées bien avant, depuis 1975 par le Pr OUIMINGA, par le Dr DAKOURE, par le Dr TAOKO, le Pr SANOU qui ne cachaient pas leur réticence vis-à-vis de la chirurgie osseuse qui était qualifiée de chirurgie des parties dures. Me voilà nommé donc Maître de Conférences en Traumatologie- Orthopédie. Je me suis énormément consacré à l’activité opératoire, j’ai dû parfois en tant que Chef de service répondre à des problèmes de malades, j’ai dû malgré ce titre m’occuper de pas mal de choses. Voilà comment j’ai été amené à contribuer aux activités et à la création d’un service de Traumatologie au Burkina, devenu un service à part du point de vue, sauf le Bloc opératoire qu’on partageait avec la chirurgie viscérale. Donc, c’est à cette époque qu’on a eu notre service qui est devenu le service de neurologie. Quant au Bloc opératoire, on le partage avec la Neurochirurgie qui est qui quand même plus voisine de la Traumatologie que la Chirurgie viscérale.
Comment c’était en matière d’organisation à l’époque ?
Nécessairement pour mener des activités, il faut une équipe. Au départ, je n’avais pas beaucoup de chirurgiens, parce que ce n’était pas très intéressant. Les étudiants redoutaient à venir dans le service, parce que j’étais réputé être sévère, le service travaillait jusqu’à des heures impossibles, et un jour un ami qui était à Nouna vient me voir et qui s’appelait DA Christophe et me dit, Monsieur, je suis venu vous voir, parce que je voulais faire de la chirurgie. J’ai dit OK. On était obligé de travailler avec les internes, je n’en avais même pas et peut – être aussi à cause de la réputation sévère qu’on avait faite sur moi. Le Pr SAVADOGO qui est aujourd’hui un Professeur de Traumatologie a été le dernier à choisir le service avec l’intention de le quitter le plus rapidement possible. Avant lui, il y a eu un élève qui est aujourd’hui le Pr BANGRE, lui aussi en tant qu’interne comme le Dr SAVADOGO, et c’est avec ces deux que j’ai pu constituer une équipe solide et ils se sont vraiment donnés. Le développement du service est dû essentiellement à ces éléments et aussi avec le Dr KORSAGA et un autre qui est parti en France et par la suite a rejoint les îles. Le Dr TAOKO n’avait pas une équipe, le Pr OUIMINGA n’avait pas une équipe, Dr SANOU non plus.
Comment vivez-vous ce privilège ?
Vous me faites plaisir en venant me voir mais c’est le privilège de l’âge qui a fait que je me suis retrouvé là. Il y a eu un candidat plus jeune, mais il a été nommé bien après moi. Ce n’est pas le sentiment d’un mérite particulier. C’est l’une des périodes les plus intéressantes que j’ai vécues à part le séjour d’Abidjan dans le cadre des stages d’internat, à part mon séjour en France où on découvrait le progrès en Chirurgie. Ce n’est pas vraiment un sentiment extraordinaire, il faut quelqu’un à tout au commencement et j’ai eu la chance d’être ce monsieur.
Quelle a été votre stratégie pour attirer des médecins dans votre spécialité ?
L’Université était en avance sur l’organisation des services. A chaque Professeur était donné deux Assistants et 4 internes. C’était un recrutement qui était opéré au niveau de l’université. Mais je serai injuste de ne pas signaler que SAVADOGO, BANGRE ont fait une activité qui a suscité l’admiration des autres internes. On avait réussi à créer une bonne atmosphère, on était tous unis pour progresser dans le cadre de la chirurgie osseuse. Nous avons entamé beaucoup d’interventions qui ne se faisaient pas à l’époque. Je dois quand même signaler que nous avons initié le traitement chirurgical de rachis de la colonne vertébrale, qu’il s’agisse d’intervention concernant la tuberculose osseuse, qu’il s’agisse des interventions concernant les blessures du rachis, nous avons entrepris de mettre en place un matériel particulier qui permettait de s’en sortir plus efficacement au niveau des fractures ouvertes. Avec les deux, nous avons commencé à mettre en place, un matériel particulier qui s’appelle un fixateur mais un fixateur particulier qui avait été inventé par un médecin généraliste russe qui permettait d’aborder des problèmes de traumatologie et qui permettaient d’aborder des problèmes d’Orthopédie. On s’est aussi intéressé à la chirurgie des séquelles d’injection. Ça nous revoie à une époque où les piqûres ne respectent pas les règles qui sont aujourd’hui respectées. Il y a eu des paralysies après des injections qui concernaient des membres inférieurs. Nous avons encore entrepris de traiter certaines déformations les hanches. Nous avons fait des ostéotomies, qui étaient très difficiles à mon avis. Il nous est arrivé aussi de commettre des erreurs. Nous avons fait ce qu’on ne fait pas actuellement, le fait de bloquer par exemple les hanches et la personne n’arrive plus à bouger.
Aujourd’hui on a de plus en plus de médecins Orthopédistes-Traumatologues, comment vivez-vous ce privilège ?
Cette éclosion est inscrite dans l’évolution normale des choses. La traumatologie doit se développer. Quand je disais que je faisais la hanche, je le faisais, mais je le ferais mieux si je m’étais uniquement intéressé à la hanche. Je ferais mieux si je m’étais intéressé uniquement au rachis, et aujourd’hui, l’éclosion s’est accompagnée d’une spécialisation dans la spécialité. Notre discipline ne peut que profiter de cette éclosion et ça reste leur devoir, leur obligatoire. Il faut tout faire pour que cette éclosion s’accompagne de l’existence d’un matériel adéquat qui permet aux praticiens de faire les interventions dans les conditions acceptables. J’avais dit qu’il faut faire un centre de traumatologie, mais sans même ce centre de traumatologie, je crois qu’il faut que l’Etat songe à équiper les services de traumatologie. Le progrès est à ce prix et donc ceux qui sont là, et qui font de leur mieux avec le matériel qu’ils ont, cela est dû aussi au nombre, parce qu’un seul ou deux ne suffiraient pas pour faire le travail de qualité qu’ils font actuellement. Il faudrait donc que le recrutement se poursuive pour que la traumatologie puisse évolue encore plus.
Un message ?
Je suis à la retraite depuis 2002, je suis en réalité éloigné des préoccupations et des réalités des services de traumatologie, même si je garde les contacts avec les Pr DA et SAVADOGO. Je ne peux que formuler quelques souhaits et demander que chacun ait suffisamment de courage, de ténacité, et de persévérance dans un domaine qui, est considéré comme secondaire dans le cadre de la chirurgie même si c’est une activité qui est exaltante, devant nous permettre de nous épanouir sur le plan professionnel. Je remercie l’Ordre des Médecins de l’heureuse initiative de me rendre visite. Cela m’a permis un retour sur mon parcours de chirurgien traumatologue durant lequel j’ai bénéficié de l’aide et des conseils de collègues qui sont devenus un peu grâce à moi des grands patrons de service de traumatologie.
Presse et Communication du CNOMB